Acte de réception à la Bourgeoisie de Sion : les ors et les fastes du baroque…
Cet acte de réception à la Bourgeoisie de Sion de la fin du XVIIe siècle se passe pratiquement de commentaire, tant son décor est somptueux. En présence du bourgmestre de la ville le capitaine Arnold Kalbermatter, du Sénat et de l’ensemble des bourgeois réunis, Nicolas Chappel, prêtre et maître d'école, fils de feu Balthasar Chappel, notaire et habitant de Sion, ainsi que ses petits-neveux sont tous reçus bourgeois moyennant la somme de 200 doublons d'Espagne. Imaginez qu’en 1702, soit une dizaine d’années après cette réception, ces 200 doublons représentent le prix de vente d’une confortable maison, avec grange-écurie et jardin, en ville de Sion !
Cette contribution financière considérable se dresse telle une barrière presque infranchissable pour nombre de candidats aspirant à être intégrés au corps des bourgeois : celui-ci représente l’élite politique et la classe dirigeante, et prend seul les décisions importantes pour la ville. En effet, peu à peu, à partir des dernières décennies du XVIe siècle, la Bourgeoisie se ferme et ne devient accessible qu’à une élite : familles puissantes, riches marchands, notaires... Et précisément, notre Nicolas Chappel est fils de notaire et maître d’école depuis 1687. Le défunt Balthasar Chappel, originaire de Saint-Jean-de-Maurienne, en Savoie, s’était établi à Sion, bien des années auparavant et était devenu habitant perpétuel – statut apparu dès le XVIe siècle, intermédiaire entre le bourgeois et le reste du peuple. Ayant mis sa plume au service de la ville et du canton du Valais, également chancelier du Chapitre cathédral, il trace la voie pour son fils. Nicolas Chappel parvient, en effet, à être admis au nombre des bourgeois, lui-même ainsi que ses petits-neveux, petits-fils de son frère Antoine décédé. De plus, Nicolas jouit du statut d’homme d’église et de la recommandation de nombreux amis qui interviennent en sa faveur.
Parmi les clauses d’admission, énoncées dans l’acte, en plus de la somme d’argent, figure la fourniture de deux mousquets – avec instruments nécessaires à leur entretien, poudre et plomb pour les munitions –, ainsi que de deux seaux en cuir servant à la lutte contre les incendies ; ces deux éléments doivent être fournis par les nouveaux bourgeois, dès la fin du XVIe siècle. Ces deux clauses des armes à feu et des seaux en cuir restent en vigueur, respectivement jusque dans les années 1730, où l’on renonce à réclamer des fusils, par crainte des fraudes, et jusqu’à la révolution valaisanne, dans les années 1790, pour les seaux.
Remarquons, enfin, que contrairement aux autres régions formant la Romandie actuelle, le Valais continue d’user, comme ici, de la langue latine, à la fin du XVIIe siècle et même au-delà. Conservatisme ou amour de la tradition ? La signature avec paraphe du secrétaire de la ville Barthélemy Barberin authentifie l’acte, tout comme le sceau de la ville qui parachève le décor spectaculaire et somptueux. En effet, ce sceau enfermé dans une boîte en fer blanc, pendant sur des rubans de soie rouges et blancs, aux couleurs de la ville, et tressés en rosace, attire immédiatement le regard.
Anne Andenmatten, archiviste de la Bourgeoisie de Sion