1516

Lettre d’Henri VIII au cardinal Mathieu Schiner

Le cardinal valaisan qui côtoie les puissants : so british !

Le 16 juillet 1516, de son palais de Greenwich, le roi Henri VIII d’Angleterre, tristement célèbre pour ses crimes, responsable du schisme de l’Eglise anglicane, envoie cette lettre au cardinal Mathieu Schiner, en se disant son «bon amy Henry», comme le relève la signature autographe du souverain. La missive, munie du sceau du roi, est rédigée par son secrétaire Andrea Ammonio, dit Ammonius, humaniste, ami d’Erasme de Rotterdam.

Après la terrible défaite à Marignan du 13 et 14 septembre 1515, où les Suisses défendaient le Milanais, avec leurs alliés le pape Léon X et l’empereur Maximilien Ier, contre le roi de France François Ier, Schiner, alors commandant en chef des troupes suisses et légat pontifical, ne s’avoue pas vaincu. Il se réfugie à Innsbruck auprès de l’empereur et tente de le convaincre de lancer une nouvelle campagne pour libérer Milan. Les difficultés de paiement de l’armée impériale et la désunion des troupes conduisent cependant à l’échec, durant le printemps 1516. Déjà auparavant, mais particulièrement durant le reste de l’année 1516, Schiner déploie une intense activité diplomatique pour nouer une nouvelle alliance entre les grandes puissances européennes contre le roi de France.

Contrairement à d’autres lettres échangées par le cardinal Schiner et ses correspondants durant cette période mouvementée, celle-ci n’est pas chiffrée. Le souverain anglais ne tarit pas d’éloges sur Schiner, relevant « sa grandeur d’âme, sa prudence, son incroyable zèle et son éternel dévouement envers lui ». Sa très grande bienveillance se manifeste dans toutes ses paroles et ses écrits, de sorte qu’il n’est nul besoin d’en parler. De son côté, il l’aime plutôt comme son propre frère que comme son ami. Le roi d’Angleterre ne lésine pas dans les éloges qu’il adresse à Schiner, quand bien même ceux-ci ne seraient pas entièrement sincères. Cette flatterie démontre à quel point Schiner se révèle, aux yeux du souverain anglais, indispensable, pour parvenir à ses fins dans les jeux d’alliances très complexes et changeants.

Une alliance est, en effet, en cours de négociation entre Henri VIII lui-même, Charles de Castille, le futur Charles Quint, l’empereur Maximilien Ier et le pape. Le roi d'Angleterre compte sur le cardinal pour intervenir de toutes ses forces auprès de l’empereur Maximilien, afin de l’empêcher de prêter l’oreille aux calomniateurs mal intentionnés et d’éviter que le lien étroit de leur amitié ne soit rompu. Parallèlement, Richard Pace, l’ambassadeur anglais auprès des Confédérés, tente d’empêcher ces derniers de conclure une paix avec le roi de France. Après une rencontre avec l’empereur Maximilien à Augsbourg en septembre, Schiner rejoint l’Angleterre, voyageant incognito sous un déguisement – il semble même qu’il soit un spécialiste en la matière. Il séjourne auprès du roi Henri VIII, dès la mi-octobre, et y est reçu avec autant d’égards que s’il était le pape lui-même ! Son influence est assurément décisive dans la conclusion de cette alliance, le 29 octobre 1516. Or, dans le bref du 19 novembre de la même année, le pape Léon X adresse de vifs reproches à Schiner : bien loin d’avoir donné son assentiment à cette alliance, il désapprouve même tout à fait les démarches de son cardinal trop enclin à encourager les guerres entre chrétiens…

Anne Andenmatten, archiviste de la Bourgeoisie de Sion