Acte de réception à la Bourgeoisie de Sion en 1324 : le plus ancien conservé
Le 4 février, en l’an 1324, à Sion, dans la maison de Jacobus Gissyney, l’un des procureurs de la ville, en présence des trois autres procureurs et syndics de la ville, trois frères Othon, Willermodus et Perrodus, fils de feu Herodes Lumbardi, sont reçus bourgeois de Sion en échange de 10 livres mauriçoises. Ils prêtent serment en touchant les saints Evangiles de rester soumis et fidèles à l’évêque et à ses successeurs, dévoués envers la communauté des bourgeois de la ville de Sion, de leur procurer bien et avantage, de leur éviter tort et dommage, de tout leur possible, et s’ils ne peuvent empêcher ce tort, de les en avertir le plus vite possible.
Cet acte de réception est le plus ancien document de ce type conservé dans les archives de la Bourgeoisie de Sion.
Les nom et prénom insolites Herodes Lumbardus du père décédé des trois frères ne saurait manquer d’éveiller la curiosité...S’agit-il d’un authentique Lombard, venu d’Italie du Nord, Piémont ou Lombardie ? Ou encore d’un banquier, ou même d’un simple marchand, auxquels était souvent attribué le nom générique de Lombards, bien qu’ils ne soient pas tous véritablement originaires de cette région ? En tous les cas, la présence des financiers lombards est attestée en Suisse, dès le milieu du XIIIème siècle, si bien qu’il n’est pas invraisemblable qu’en 1324, le père de nos trois frères ait déjà eu le temps de s’installer en ville de Sion et d’y habiter quelques années. D’ailleurs, l’emplacement de la cité sédunoise sur la route venant d’Italie explique sans doute la présence en ses murs d’une petite communauté lombarde, active dans le milieu des affaires et des finances. L’identité, l’origine et la profession des trois frères et de leur défunt père restent cependant entourées de mystères.
En revanche, leur fortune ne fait aucun doute. En effet, les 10 livres mauriçoises qu’ils déboursent pour obtenir le droit de bourgeoisie représentent une somme relativement considérable : un peu plus, semble-t-il, que le prix de vente d’une maison avec four, à Sion, en 1322 (CH AEV, Oswald de Riedmatten, Pg. 11 https://scopequery.vs.ch/detail.aspx?ID=49593) ou un peu moins que celui d’une maison avec terre adjacente, à Sierre, en 1333 (CH AEV, AB Sierre, Pg 30 https://scopequery.vs.ch/detail.aspx?ID=18059).
L’acte d’association à la bourgeoisie n’est pas muni d’un sceau, mais porte comme signe de validation le seing manuel du notaire public Perrodus Magy. Celui-ci l’a rédigé et y a apposé son seing, en bas à droite. Il s’agit de ce petit signe graphique, dessin ou marque personnelle, propre à chaque notaire, qui permet de valider l’acte et qui préfigure, pour ainsi dire, nos signatures. Perrodus Magy est qualifié de « notaire public d’autorité impériale » ce qui signifie qu’il a reçu son pouvoir directement de l’empereur ou d’un comte palatin. Très souvent, les notaires choisissent des seings qui comportent la présence d’une croix. Par ce symbole qui fait écho à la formule d’invocation initiale In nomine Domini amen, ils renvoient à Dieu, servant de garantie de véracité du contenu de l’écrit. Les cinq témoins rendent compte peut-être de l’environnement dans lequel évoluent ces trois frères, puisque parmi eux se comptent au moins deux hommes de loi, jouissant d’une certaine influence, qui leur assurent ainsi un parrainage de choix : Petrus de Montana, juriste, Uldricus de Saint-Maurice, clerc, ainsi que Perrinus de Olono, Willermodus de Nax et Nycholaus Varisyn, tous bourgeois.
Anne Andenmatten, archiviste de la Bourgeoisie de Sion