Premières franchises et libertés de la ville de Sion
Vers 1217 ─ le document n’est pas daté ─, l’évêque Landri de Mont, les chanoines, le vidomne, représentant de l’évêque chargé, en son nom, de l’administration, et les seigneurs de la famille noble de la Tour qui détiennent en ce temps-là la majorie de Sion, se réunissent et rédigent cet acte considéré comme la première charte de franchises et libertés de la ville de Sion. Elle contient en réalité surtout des articles concernant le droit pénal, la procédure, l’état des personnes et leurs droits civils, sans aucune mention de droits politiques. D’ailleurs, les bourgeois ne prennent pas une part directe à la rédaction de ce document, tout au plus ont-ils pu exprimer leurs souhaits et faire entendre leur avis. Toutefois, le simple fait d’avoir obtenu une reconnaissance de leurs libertés de la part de leur seigneur démontre leur influence croissante. Les premières libertés acquises par les bourgeois sont certes ici reconnues, mais contrebalancées par une série d’obligations.
Le premier article de ces franchises réaffirme la puissance de l’évêque, seul maître de la ville: tous les nouveaux arrivants qui auront séjourné dans la cité pendant une année et un jour, sans réclamation de quiconque, deviennent automatiquement des « hommes de l’évêque », autrement dit ses vassaux. Tout nouvel habitant doit demander à l’évêque un fief ─ une terre confiée par le seigneur au tenancier et soumise à une redevance ─ et ne peut en recevoir de personne d’autre, si l’évêque a accédé à sa demande.
Le document aborde essentiellement le droit pénal et civil, sans lien direct le développement de l’organisation communale de la ville.
- Le premier de ces articles de droit pénal concerne bien évidemment l’évêque: « Si quelqu’un offense l’évêque à l’intérieur du ban de la ville et s’il ne comparaît pas en justice, après trois sommations, et ne peut ou ne veut pas fournir de caution, l’évêque pourra, après 40 jours, mettre en gage ses pâturages, s’il n’en a pas, prendre possession de ses biens mobiliers, et à leur défaut, détruire le faîte de sa maison. Si ces moyens de pression restent inefficaces, il pourra le faire arrêter en ville ou hors de la ville. »
- D’autres articles fixent le montant des amendes selon les délits commis. Par exemple, si quelqu’un frappe autrui avec la main ou à coup de poing, avec effusion de sang, l’amende s’élève à 60 sous, alors que celui qui frappe avec un bâton, un couteau ou un instrument semblable paiera 60 livres. Tout le monde n’est cependant pas traité sur un pied d’égalité, puisque les notables, eux, n’encourent aucune peine, sauf en cas de meurtre!
- D’autres articles réglementent le droit de marché et le commerce. Seul l’évêque peut autoriser la tenue d’un marché et en fixer les jours, les taxes à payer, sources de revenus fort intéressantes, et établir d’autres règles relatives au commerce. Ainsi, le droit de tenir boutique se monte à 10 livres de taille payables à l’évêque, sans doute à Pâques. Ce dernier encaisse aussi des taxes pour les transactions qui se déroulent sur le marché au bétail, dont les bourgeois sont exemptés, pour peu qu’ils vendent des animaux nourris au moyen de leur propre foin.
- En ce qui concerne le droit privé, la charte prévoit des dispositions pour les successions. Si quelqu’un meurt sans héritier au troisième degré, l’évêque peut s’emparer des biens mobiliers, sauf ceux qui ont été donnés en aumône, tandis que les biens immobiliers reviennent au parent le plus proche. De même, d’autres articles se penchent sur la succession des marchands et des usuriers, toujours en faveur de l’évêque, maître et seigneur…
Le registre contenant, entre autre, cette copie du XVIIème siècle de l’acte de 1217 a été donné au notaire et bourgeois de Sion Christian Schillig, également secrétaire épiscopal, en 1689, par Maurice Gros, notaire et châtelain du vidomnat de Martigny.
Anne Andenmatten, archiviste de la Bourgeoisie de Sion