Le plus ancien registre des protocoles du Conseil de la ville de Sion
Ce petit registre est le premier à être conservé d’une longue série de protocoles du Conseil. Il couvre les années 1495 à 1528. Le secrétaire de la ville, Petrus Dominarum, également notaire, est chargé de consigner par écrit dans de petits cahiers les points essentiels des discussions du conseil. Ceux-ci ont ensuite été réunis et reliés pour former ce modeste registre de 166 feuillets de papier, que l’on prit soin de protéger dans une couverture en parchemin. Petrus Dominarum joue un rôle important, car il est à l’origine de la création des archives de la Bourgeoisie de Sion. Au fil des siècles, on en viendra aux PV informatisés du XXIe siècle, en passant par les lourds registres du XIXe siècle. Cette série impressionnante témoigne de la stabilité exceptionnelle qui fait toute la force de la commune bourgeoisiale.
Les sonneries de cloches rythment la vie politique et appellent les bourgeois à se réunir et à délibérer. Des décisions sont prises sur la gestion et l’utilisation des biens communs (pâturages, bisses et forêts), sur des arrêtés à faire appliquer concernant divers délits (coupes de bois, usages abusifs des pâturages et des bisses pour l’arrosage, négligences dans la garde des animaux, fraudes de la part des artisans boulangers, bouchers, etc.) ; des reconnaissances de revenus et des ventes en faveur de la cité sont enregistrées ; des accords sont conclus pour régler des litiges ; des procureurs sont nommés pour représenter la communauté de la ville et défendre ses intérêts dans diverses occasions ; des réceptions de nouveaux bourgeois se succèdent. Dans les premiers feuillets, nous voyons ainsi Claudius Cutinyz de Troistorrents, beau-fils d’un bourgeois, et Anna, fille du vidomne de Loèche Johannes Perrini et seconde épouse d’Egidius de Prato, notaire et bourgeois de Sion, être reçus comme bourgeois et prêter le serment habituel. Comme le souligne le cas d’Anna de Prato, les femmes peuvent faire valoir leurs droits de bourgeoisie pour elles-mêmes, sans l’intervention d’un père, mari ou tuteur ; elles prêtent serment personnellement, lors de leur réception devant l’assemblée des bourgeois, selon un formulaire adapté aux femmes. Dans cette société très patriarcale, leur état de bourgeoise se limite toutefois à leur vie et n’est pas transmissible à leurs enfants.
Ce recueil permet également de reconstituer la liste des syndics de la ville de 1494 à 1529, dont les changements sont indiqués scrupuleusement. Il est une mine de renseignements sur de multiples aspects de la vie sédunoise…en voici une petite sélection :
- Le 12 mars 1497 doit être particulièrement glacial, puisqu’au lieu de se réunir dans la salle du conseil habituelle, les bourgeois préfèrent se réfugier dans la pièce chauffée de la maison d’un certain Arnold Jungen.
- La lutte contre les incendies exige de chaque nouveau bourgeois, lors de sa réception, en plus d’une somme d’argent, un seau de cuir, appelé « situla ». Ceux-ci sont rangés dans la maison du Conseil, ce qui n’est pas sans poser des problèmes d’accessibilité. En effet, comme nous l’apprennent les protocoles du Conseil de l’année 1527, il n’est guère commode, en cas de danger imminent, d’attendre l’arrivée des syndics pour ouvrir les portes et s’emparer des précieux seaux ! Chaque minute compte…il est donc arrêté que, désormais, les seaux à incendie seront entreposés dans plusieurs lieux différents et à portée de main.
- Déjà en 1498, les Valaisans étaient préoccupés par la présence des loups, puisqu’un certain Martinus Wissen, originaire de Sankt German, est chargé par la ville de creuser une fosse aux loups au-delà des remparts, autrement dit une sorte de piège destiné à repousser les redoutables canidés envahisseurs.
Anne Andenmatten, archiviste de la Bourgeoisie de Sion