Le destin des réformés sédunois à l’aube du XVIIe siècle
Alors qu’une grande partie de l’Europe est déchirée par de violents conflits religieux durant le XVIe siècle et jusqu’au début du XVIIe siècle, à la suite du vaste mouvement de la Réforme, le Valais a, par chance, été épargné par les guerres intérieures et extérieures entre partisans de la Réforme et défenseurs du catholicisme. Il le doit à plusieurs facteurs conjugués. En premier lieu, les idées nouvelles ne sont parvenues qu’assez tard en Valais, en décalage avec le reste de la Suisse; les discussions théologiques subtiles ne semblent pas avoir suscité les passions; il n’y eut pas de prédicateur protestant capable de convertir le pays aux idées nouvelles. Deuxièmement, la crainte de voir à nouveau le pays divisé par des guerres civiles aussi sanglantes que celles qui avaient opposé le cardinal Mathieu Schiner et son rival Georges Supersaxo, a durablement influencé les élites, aussi bien politiques, les Patriotes représentants des Dizains, que religieuses, les évêques. Tous aspirent à la paix intérieure et cherchent à conserver de bonnes relations diplomatiques avec tous leurs alliés, des deux confessions. Face à l’arrivée de la Réforme, les évêques valaisans n’ont pas véritablement réagi, se sont montrés plutôt apathiques et faibles ou pragmatiques et tolérants, selon les points de vue…Prudence rime avec tolérance!
Les « sympathisants de la Réforme » sont pourtant bel et bien présents, recrutés dans les élites urbaines et instruites, mais leur motivation est surtout leur volonté de réformer l’église, en réaction aux abus et aux manquements de beaucoup de membres du clergé. Dès 1585, existe à Sion une église protestante, une petite communauté se réunissant pour lire ensemble les Saintes Ecritures. Elle compte environ 200 membres, dont plus de la moitié sont des bourgeois de Sion et membres du patriciat. Celle-ci ne reçoit cependant qu’en 1603 un pasteur, venu de Genève. Et en 1604, la Diète de Viège prend une décision qui inverse la tendance: tous les protestants doivent revenir à l’ancienne religion ou s’exiler. Dans les faits, seuls quelques rares réformés, les plus bouillants et provocants, quittent effectivement le canton. Le protestantisme disparaît peu à peu, sans heurts ni persécution.
Toutefois le premier avril 1622, les craintes face au mouvement de la Réforme se font encore sentir. Accusations sans fondement, réel affront fait à la religion ou blague du premier avril? Toujours est-il que des membres en vue de la Bourgeoisie sédunoise, descendants des familles qui s'étaient proclamées favorables à la Réforme en 1585, sont victimes des accusations de l’évêque. Douze personnes sont nommées et accusées d’avoir délibérément envoyé leurs ouvriers à Conthey, le jour de la fête de l’Annonciation – fête mariale par excellence – , afin qu’ils n’assistent pas à la célébration. Quel scandale ! L’évêque Hildebrand Jost demande au châtelain de la ville et du dizain de Sion Christian Lambien de les condamner à payer 6 livres d’amende chacun. Pourtant, le même évêque Hildebrand Jost, affirme, selon les recès de la Diète du 12 août 1626, qu’il fermera un œil sur la présence en Valais des réformés qui se tiendront paisibles et se rendront à la messe – pour la façade… Demeurer en Valais vaut bien une messe!
Anne Andenmatten, archiviste de la Bourgeoisie de Sion