Au temps d’avant: un Rhône en liberté!
L’ingénieur Ignace Venetz reste célèbre pour son intervention salutaire lors de la débâcle du Giétroz, alors qu’il est ingénieur cantonal, et pour sa théorie des glaciations, des périodes glaciaires et du recul des glaciers, fondée sur l’observation des moraines et des blocs erratiques. Après de nombreuses années passées dans le canton de Vaud, comme ingénieur, il regagne le Valais pour y finir ses jours. De retour dans sa patrie, au printemps 1854, il effectue, entre 1854 et 1857, des travaux sur mandat pour la Bourgeoisie de Sion.
Le 18 février 1857, la commission mixte, composée de membres des conseils municipal et bourgeoisial, chargée du colmatage et de l’assainissement de la plaine de Sion, confie à l’ingénieur Ignace Venetz un mandat pour l’établissement de plans et un rapport. Le 20 mars 1857, il remet ce plan de la plaine du Rhône, entre la Morge et la Sionne, accompagné de son rapport pour le drainage et le colmatage de la plaine, autrement dit l’asséchement des zones marécageuses, grâce à la construction de canaux et d’écluses. Ces ouvrages visent à drainer la plaine du Rhône dans la région de Sion et à permettre l’irrigation. La difficulté est de coordonner ces travaux avec ceux de la ligne de chemin de fer en construction. Les protocoles des séances de cette commission, en présence de l’ingénieur Ignace Venetz, entre le 18 février et le 14 décembre 1857, et rédigés par Nicolas Roten, secrétaire bourgeoisial, sont également conservés dans le fonds des archives de la Bourgeoisie de Sion.
Ce plan est dessiné sur une bande de tissu et devait s’enrouler autour d’une baguette de bois. Une note de la main d’Ignace Venetz indique qu’il a été réalisé, en copiant un plan plus ancien de la plaine du Rhône, et en réduisant à l’échelle 1:4000, d’autres plans existant à la chancellerie bourgeoisiale. Nous y voyons l’embouchure de la Printze, les méandres, ou plutôt les tresses, du Rhône, bordés de grèves, de zones boisées et d’îles, de champs et de prés, et enfin le rocher de Chandoline qui surplombe le cours d’eau.
Ce plan et cette étude préparatoire d’Ignace Venetz s’inscrivent dans un mouvement de plus grande ampleur qui se poursuit, quelques années plus tard, avec le vaste chantier de la première correction du Rhône, en 1863, entrepris avec l’aide de la Confédération.
L’historiographie ancienne a fortement accentué les effets positifs de cette première correction du Rhône, en noircissant le tableau de la plaine du Rhône avant cette intervention de grande envergure qui a, en réalité, surtout modifié le tracé du fleuve, mais sans entraîner une réduction notable des zones marécageuses. En effet, auparavant, même si le fleuve vagabonde avec une grande liberté, les zones inondées, à proximité du cours d’eau, sont néanmoins utilisées et exploitées, comme zones de pâture et de pêche, ou encore de coupe de bois.
Au XIXe siècle, l’espoir de pouvoir maîtriser les débordements du fleuve et assécher les marais laisse entrevoir la possibilité d’accroître la surface des terres agricoles et de lutter contre les épidémies de fièvre que les marais sont censés favoriser. Cet espoir est sans doute une illusion ou l’aveuglement pour les bienfaits supposés du progrès…
Ce plan conclut cet aperçu, sous forme de ligne du temps, du fonds des Archives de la Bourgeoisie de Sion. Il démontre que, même après la séparation entre les communes bourgeoise et municipale, les deux institutions continuent de collaborer et d’œuvrer dans des projets communs.
Anne Andenmatten, archiviste de la Bourgeoisie de Sion