Un pressant appel au secours
La famille seigneuriale de Rarogne gravit rapidement les échelons du pouvoir, puisqu’en cette fin de XIVe siècle et ce début de XVe siècle, plusieurs de ses membres occupent les fonctions ecclésiastiques et laïques les plus importantes du Valais, soit celles d’évêque et de bailli.
Neveu de son prédécesseur Guillaume Ier de Rarogne et du bailli Guichard de Rarogne, Guillaume II est encore un tout jeune homme d’à peine 21 ans, lorsqu’il reçoit du pape Boniface IX la confirmation de son élection au siège épiscopal, en 1402. Cette élection est cependant mal reçue et les représentants des dizains haut-valaisans prétendent qu’elle a été imposée par « certains de ses amis ». Ils annoncent ne plus le considérer comme évêque, puisqu’il ne possède ni la formation requise – il n’est même pas ordonné prêtre – , ni la manière de vivre le rendant digne d’occuper une telle charge. De plus, il n’a pas tenu ses promesses de se faire consacrer évêque, malgré les demandes pressantes du Chapitre et du peuple. Dans l’ombre de ses oncles, il n’a jamais véritablement su s’imposer et satisfaire aux exigences minimales pour prétendre au titre d’évêque.
En 1413, guidé par son ambition démesurée, son oncle Guichard s’empresse de prêter main forte, avec l’aide de 700 hommes, à Sigismond, roi des Romains, près de Milan. En 1414, il reçoit de ce même Sigismond, en récompense des services rendus en Lombardie, la souveraineté sur le comté du Valais et la haute juridiction. Autrement dit, tous les pouvoirs temporels de l’évêque passent aux mains de la famille de Rarogne et, qui plus est, à titre héréditaire. Un cadeau empoisonné...car aussitôt la révolte éclate! Ses adversaires se regroupent à Brigue au sein de la Société du chien, derrière une bannière représentant une chienne de chasse et ses nombreux petits, signifiant que leur nombre devrait augmenter autant que celui des chiots. Les Dizains s’opposent à ce que la haute juridiction sur le Valais soit exercée par le bailli Guichard de Rarogne. Ils risqueraient de perdre leur indépendance. S’ensuit le siège du château de la Soie, où se sont retranchés Guichard de Rarogne et sa famille, en juin 1415. Un accord finit par être conclu, mais la paix est de courte durée.
Dans cette lettre écrite en allemand et datée du 24 août (le soir de la Saint-Barthélemy) 1415, l’évêque Guillaume II de Rarogne et son oncle Guichard écrivent au roi des Romains Sigismond pour lui réclamer une aide urgente dans leur lutte contre les dizains du Haut-Valais qui contestent leur autorité. Ils envoient à la cour les frères Philipp et Franz am Heingart (de Platea) pour présenter leur requête devant le roi Sigismond. L’évêque explique craindre que « l’ensemble du pays ne tombe aux mains des paysans et de nos ennemis » ; les paysans, auxquels il fait allusion avec un certain mépris, ne sont autres que les Haut-Valaisans, représentants des Dizains.
Cette lettre marque une étape importante dans la fameuse « Affaire de Rarogne » ou « Guerre de Rarogne » qui conduit la famille de Rarogne à quitter le Valais, en septembre 1417, à la suite des fortes pressions exercées par les Dizains. En effet, faute d’avoir reçu l’aide tant espérée de Sigismond, l’évêque Guillaume et son oncle Guichard se tournent vers la Savoie, avec des conséquences désastreuses, telles que les destructions des châteaux de Tourbillon et Montorge et le pillage de la ville de Sion, en 1418.
Anne Andenmatten, archiviste de la Bourgeoisie de Sion